don't leave me here alone (elijah)

don't leave me here alone

Elijah & Dollie

Il y a des moments où on a cette étrange impression que quelque chose va se passer. Une drôle de sensation qui ne part pas, qui hante. Cela peut durer quelques heures, le temps d'une journée ou de plusieurs. Le genre de sensation qui reste pour prévenir de ce qui pourrait arriver. Dollie avait cette sensation qui la collait depuis plusieurs jours. Quelque chose de mauvais. Et depuis des jours, elle s'inquiétait. Elle avait beau essayé de se rassurer en se disant que ce n'était qu'un mauvais tour de son cerveau. Cerveau qui essayait de lui faire perdre la raison. Esprit qui lui faisait voir une personne qu'elle avait perdue il y a des années de cela. Esprit qui lui rappelait sans qu'il était facile de perdre quelque chose – une personne – à laquelle on tient. C'est sans doute pour ça qu'elle a peur, qu'elle a cette impression. Son frère. Il était comme un fantôme. Il le devenait. Le teint pâle, livide. Les cernes. Oui, il se transformait en fantôme physiquement. La fatigue se lisait sur son visage. La gamine savait que c'était en grande partie de sa faute, que si elle n'était pas là, s'il n'avait pas à s'occuper d'elle, Elijah irait beaucoup. Un poids, voilà ce qu'elle était. Mais il n'était simplement pas un fantôme physiquement. Sa présence l'était. L'appartement devenait vide. Il n'y était plus souvent qu'avant. Le soir après ses concerts, ce n'était plus auprès de Dollie qu'il retournait. Et ça lui faisait mal. La jalousie envahissait la gamine. Elle ne disait rien. Elle se contentait de sourire naïvement, faisant croire que tout allait bien, alors que la vérité était tout autre. A l'intérieur, elle pleurait, elle criait, elle suppliait égoïstement qu'on lui rende son frère. Egoïste. Possessive. C'est ce qu'elle voulait être pour ne pas séparer de son frère. Pas une nouvelle fois. Et pourtant, elle le laissait s'en aller malgré cette douleur qu'elle ressentait. Profiter, c'est ce qu'elle faisait lorsque son aîné était près d'elle. Profiter de sa présence comme si c'était la dernière fois qu'elle le voyait, lui faisant promettre de faire attention. Surtout ces derniers temps avec ce pressentiment qui restait bien ancré.

Quelque chose allait arriver. Ce n'était qu'une question de temps. Un appel. Deux appels. Et un troisième qu'elle manquait. Elle n'avait pas pu voir que son téléphone ne demandait qu'elle. Elle ne pouvait pas répondre, elle était bien trop loin, bien trop occupé à ranger les rayons de ce stupide magasin où elle travaillait. Et sa journée était terminée. Enfin. Une libération. Regarder son téléphone, premier geste qu'elle avait fait. Et la peur. Les appels manqués. Les messages laissés. Elijah. Malaise. Hôpital. Trois mots qu'elle avait retenu. Trois mots qui se bousculaient dans sa tête. Sa respiration devenait difficile. Elle se bloquait. Un cauchemar. La brune était forcément bloquée dans un cauchemar. L'une des pire chose qui pourrait lui arriver. La perte de son frère. La perte de la seule personne qui la gardait saine d'esprit. Son cerveau ne répondait plus. Ses jambes bougeaient toutes seule en direction de l'hôpital. L'angoisse était plus présente lorsqu'elle entra dans le bâtiment. Elle détestait les hôpitaux. Mauvais souvenirs de l'accident qui leur avait fait perdre leur parent. Et maintenant, c'est le tour de son aîné. La peur, l'angoisse de plus en plus présente. Dollie était sur les nerfs. Elle en avait marre d'attendre qu'on lui dise où se trouvait son frère. Les médecins et les infirmières passaient à côté de la gamine sans se soucier. Et elle craquait. Les larmes coulaient le long de ses joues. Son corps tremblaient. Elle hurlait sur les pauvres infirmières qui ne pouvaient pas lui répondre. Les insultes fusaient sans qu'elle ne puisse se contrôler. Et finalement, le moment tant attendu. La chambre de son frère. Porte fermé, volet baissé. Elle ne le voyait. Les battements de son cœur s’accéléraient. Et la porte s'ouvrait. Sans doute qu'elle s'imaginait à voir son frère éveillé, un léger sourire moqueur sur le visage pour lui dire que ce n'était rien, qu'elle devait s'inquiéter. Oui, c'était ce que la plus jeune voulait voir. Malheureusement, ce n'était pas le cas. Elijah était dans son lit. Allongé. Endormi. Et surtout avec des câbles qui le reliait à des machines. Dollie était paralysé par cette vision. Le cauchemar continuait. Les larmes étaient de retour. Timidement, elle s'approchait de son frère. Il dormait. C'est ce qu'elle se disait. Il était conscient, mais dormait. C'était la fatigue tout simplement. Il allait se réveiller. Il devait se réveiller. Elle s'approchait, prenait doucement la main de son frère. Elle était froide, gelée. Comme un cadavre. « No me deja. Despiértate. Usted tiene que despertar por favor. » Un supplication qu'elle répétait sans cesse, malgré les larmes. Il devait l'entendre. Mais rien. Il avait toujours l'air endormi. Et la gamine s'était installé au côté de son frère, se blottissant contre lui. Peut-être qu'une présence familière allait l'aider à se réveiller. Et les notes commencèrent à s'échapper de sa bouche. Mélodie qui semblait ressembler à la berceuse d'une mère.

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Elijah & Dollie

Même bruyante et incessante rengaine, murmures, larmes, cris. Corps déplacé, objet de collection froid et inconscient. Lumière, flou, bourdon dans les oreilles et, soudain, le silence, plus rien. Le noir, le vide, fatigue, épuisement de l’être. Mal de tête vrillant les tempes, brisant le temps, le froid qui englobe à l’intérieur, qui rend les gestes lents et les os fragiles. Empire de sang et d’os qui s’effondre. Espoir placé en toi qui s’effondre et qui se lamente, se meurs. Musique qui n’en est pas une qui décortique bien plus tes sens. Seul, prisonnier de ton corps et de tes actes. La tête contre le sol, l’angoisse, le bras qui craque et les jointures qui saignent. Vide, froid, noir. Des images qui défilent, peur de l’imaginaire, peur de ce que tu étais et de ce que tu seras. Corps pâle qui s’écroule comme au ralenti, attraction terrestre meurtrière, pas la première fois ni la dernière. Les larmes qui se cachent dans un battement de cœur. Dans la gaucherie de tes paroles, l’incertitude de tes gestes et de tes mots, la douleur régnante, maîtresse des illusions, d’un tour. Comme des souvenirs amers, aigres, qui coulent désagréablement, dans la gorge déjà sèche. Sentiments qui s’entrechoquent, encore et encore, mêmes illusions, allusions, même danse qui se rejoue et qui s’écrase, dans la même salle, sur la même musique. Une mine frêle qui glissant sur un papier à musique, l’odeur apaisante du papier d’Arménie, une guitare embrasant l’air, la voix qui perce, jeune, douce, variant les graves et les aiguës, piaillement d’une créature trop jeune, dans un coin de la chambre, créature aux grands yeux bruns, bête avec des couettes, gamine clôturée par des peluches et des jouets.
Puis l’heure de l’histoire, interlude musical a chaque chapitre, petit corps qui s’écroule, la tête contre un cœur et les songes dans la tête. Bip sonore, battement d’un cœur, régulier. Compréhension rapide et malheureuse de l’endroit où le corps se trouve, esprit qui revient, regarde, s’attarde et repars. Autre flash, moment crispant, le hurlement du patriarche et la mère qui tient son fils dans ses bras, gosse au sol, le petit entre ses bras, deux genoux blessés, éraflés par l’asphalte de la rue, un plus petit, plus jeune, l’autre sous la jean, brisé, déchiré, chute violente. La mère apaise, elle parle, elle chante, le père hurle, rage, insulte, les mains rugueuses contre les tympans innocents. Le brouillard. Vernis écaillés de vos ongles, bleu et vert dans un mélange de sang, tu protégerais, à toi, ta sœur, la tienne, celle de personne d’autre. Enfant qui montre les dents quand la gosse tombe, reviens avec des traces, l’angoisse qui blesse les traits, rides de vieillesse un peu trop tôt. Berceuses qui résonnent toujours, les mêmes, les sourires, la douceur, parfois elle prend la place d’une douleur précieuse. Plus tard, la vie qui s’échappe, le collier de maman autour d’un cou trop fragile, un cou pâle, frêle, de gamin de gamine. Souvenirs qui se brisent et respiration qui panique. Plus rien, ne pas entendre, ne pas savoir, ne pas vouloir. Puis les sourires, les rires, l’image qui s’efface, une autre qui se met en route, cheveux roux, sourire canaille, et le noir devient marine. Berceuse qui passe, fond sonore. Une heure, deux heures, une nuit, deux nuits. Tu ne sais pas, pour quoi savoir ? Poison dans les veines. Puis, odeur d’hôpital, odeur de désinfectant, nuits bleues, nuits pourpres. Lumière trop forte, éclatante, blessant l’iris. Ne rien dire, te redresser, tout ce que tu peux faire, mal de tête et le bras comme endormie.

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